Interview de Shinji Mikami - Parcours d'un créateur de jeux vidéo

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Hunk
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Il a donné naissance à Resident Evil. Retour sur le parcours d’un créateur de jeux vidéo avec Shinji Mikami.



Durant son passage chez Capcom, Shinji Mikami a créé un certain nombre de hits tels que les séries Resident Evil et Ace Attorney. Aujourd’hui, il continue d'annoncer ses travaux ambitieux en tant que représentant de Tango Gameworks.

Son CV : Shinji Mikami



Né le 11 août 1965. Représentant et producteur exécutif de Tango Gameworks. Après avoir obtenu son diplôme de la faculté de commerce à l'université de Doshisha en 1990, il rejoint Capcom Co., Ltd.
Il participe au développement des jeux Aladdin et Goof Troop (des licences Disney), et réalise Resident Evil en 1996. Après avoir supervisé la Division Capcom Production Studio 4, il quitte l'entreprise en 2005 pour devenir indépendant. Il crée Tango Co., Ltd. en 2010 (en octobre de la même année, il rejoint le groupe ZeniMax et change le nom du studio en Tango Gameworks). Il lance la série The Evil Within.
En 2015, il remporte le Premio de Honor au Gamelabo Barcelona.
Actuellement, il est en train de développer sa dernière création, Ghostwire: Tokyo.

Employment.en-japan l’a interrogé sur son expérience lorsqu’il n’était que le jeune homme qui a créé Resident Evil, et sur le contexte qui l’a amené à prendre certaines décisions pour continuer de vivre en créant des jeux vidéo.

On ne présente plus Shinji Mikami, qui a conçu ces nombreux hits tels que Resident Evil et Ace Attorney. Aujourd’hui il se concentre sur la formation des jeunes générations chez Tango Gameworks, qu’il a fondé après son départ de Capcom. Mikami est toujours impliqué dans le développement de la série Psycho Break (The Evil Within) entre autres, et se décrit comme "une personne qui ne peut pas vivre sans créer des choses".

Shinji Mikami est reconnu et respecté dans le monde entier en tant que créateur de jeux, amenant dans ses créations la modernité et le succès. Cependant, tout n’a pas été rose dans le parcours de ce créateur, qui a alterné entre des sentiments de solitude et de grande déception. Il a toutefois toujours continué à aller de l'avant.

Question 1 : Quand je repense à Resident Evil, je ne peux m’empêcher de me rappeler la scène du chien qui traverse la vitre du couloir.

Mikami : Je pense que cette scène est très réussie, car elle produit l’effet escompté. Les ennemis qui apparaissent dans Resident Evil sont des zombies, et ils se déplacent lentement de par leur constitution. Le joueur ressent donc de la "peur", mais d'un autre côté, nous voulions créer une surprise pour le faire sursauter et c’était difficile. Par conséquent, nous avons inclus une scène dans laquelle un chien zombie traverse soudainement une fenêtre pour faire vivre cet instant de terreur absolue.




Question 2 : Ce fut le moment le plus choquant de ma vie de joueur !

Mikami : Merci beaucoup. Cependant, j'ai changé le cheminement de la carte du couloir pour inclure cette scène, et je pense que mon équipe n’a pas apprécié (rires) car modifier le plan de la carte affecte également le placement des autres pièces, et cela vous oblige alors à tout réajuster.

Question 3 : L’accumulation de votre ingéniosité sans compromis a porté ses fruits et a conduit à la naissance de ce chef-d'œuvre. Quel a été l'historique des réalisations pour ce travail ? En regardant dans le rétroviseur, on peut constater des hauts et des bas dans votre carrière.

Mikami : J'adorais les jeux vidéo et je voulais être impliqué dans leur processus de fabrication, j'étais donc très heureux de pouvoir rejoindre Capcom. Au début des années 90, lorsque j'ai rejoint la société, son activité dans le domaine des jeux d'arcade était florissante, avec de gros succès comme Final Fight puis Street Fighter 2. Malgré la production de tel hits, il y avait des périodes creuses et la situation financière de l’entreprise n'était pas au mieux. J'ai entendu dire que le fondateur et président actuel, Kenzo Tsujimoto, avait dû s’incliner plusieurs fois face aux banques mais avait réussi à lever des fonds en hypothéquant sa maison. C’est cet état d’esprit qui m’a aussi séduit. Ainsi, lorsque j'ai rejoint l'entreprise, j'étais rempli de rêves et d'espoirs. Ça a duré deux jours !

Question 4 : Comment ça deux jours ?

Mikami : À mon troisième jour chez Capcom, le boss a emmené les nouveaux arrivants dans un entrepôt de l'entreprise, puis il nous a laissés en disant seulement : "c’est ici que vous penserez à la planification de votre jeu". Après cela, le matin, j’allais travailler, tout en le saluant et je recevais mes tâches quotidiennes de travail. Je réfléchissais au planning toute la journée, je fournissais mon rapport quotidien et je rentrais chez moi.
En d'autres termes, nous étions seuls au monde. La négligence était telle que j'ai passé quelques jours à essayer de créer des histoires dans l'entrepôt avec mes collègues. Mon patron n’en a jamais rien su car personne n’a rien dit (rires).
Puis, quelques mois après avoir rejoint l'entreprise, j’ai été soudainement promu à un poste de directeur. J'ai alors demandé à mon programmeur senior : "Je n'ai jamais fait de jeu, comment dois-je m’y prendre ?", c’était assez déroutant quand on connait à peine le monde des jeux vidéo.

Question 5 : C’était donc un environnement très difficile pour les nouveaux arrivants ?



Mikami : Je pense que personne ne rejoindrait une entreprise qui procéderait de la sorte aujourd’hui (rires). Apprendre sur le tas et voler de ses propres ailes, c'était exactement l'environnement qui m'entourait. Les anciens me disaient : "Je n'ai pas de temps à consacrer à ton apprentissage, nous sommes débordés !" (Rires). C'était peut-être un environnement difficile pour les nouveaux arrivants qui n’y connaissaient rien, mais quand j'y repense, cette expérience m'a été très utile pour grandir.

Dans la formation des nouveaux employés à l’époque, il pouvait être naturel d'enseigner certaines connaissances et de renforcer ses compétences pour consolider ses acquis afin de se préparer à un tremplin. C’était un chemin probablement plus rapide, mais d'un autre côté, cela pouvait restreindre la possibilité pour les nouveaux arrivants d’exprimer leurs idées et leur talent.

Je me souviens d’avoir montré aux anciens un projet que je venais d’achever, ils m’ont juste répondu : "Ce n'est pas intéressant". Dans ma proposition de 30 pages, ils n’avaient regardé que les premières pages, et m’ont juste dit que ce n'était pas du tout intéressant... Je ne sais toujours pas pourquoi car je n'ai reçu aucun conseil sur ce qui n'a pas fonctionné. Ce qui est resté c’était simplement le fait que ce n'est pas intéressant. Il fallait donc repartir sur une nouvelle réflexion et se remettre au travail.

Question 6 : Aviez-vous déjà pensé à quitter l’entreprise ou vous êtes-vous intéressé à une autre industrie pendant ces jours difficiles d’intégration ?

Mikami : Je ne me suis jamais posé la question. Cet environnement me convenait. Il n'y avait pas de règles très précises. On pouvait penser et bouger librement, notre but était d’arriver à un résultat en se basant sur le mode de travail des seniors. Et lorsque j'ai réalisé mon premier jeu, j'ai ressenti ce grand sentiment du travail accompli. En même temps, je n’ai pu m’empêcher de remarquer le "résultat d'amateur" qui se dégageait de mon jeu.

Ce n'est peut-être que le fruit de mon imagination, mais je pense que les patrons et les employés seniors de Capcom à l'époque savaient que me laisser m’exprimer librement dans mes travaux conduirait à mon développement professionnel. L'un de ces seniors était Tokuro Fujiwara, connu pour les séries Rockman et Ghosts'n Goblins. C'était un maître concepteur qui m'a poussé à créer des jeux. Il m’a prodigué beaucoup de conseils, comme le fait de penser par soi-même.



Question 7 : Après 3 années d’expérience au sein de Capcom, vous songez à 26 ans à quitter l’entreprise, que s’est-il passé à ce moment là ?

Mikami : J'ai eu diverses expériences durant ces 3 années. J’ai contribué à sortir quatre titres dont certains ont été distribués dans le monde entier. Je me suis dit aussi que je pouvais obtenir de meilleurs résultats. Je ne me sentais pas très bien. Tellement mal, que j'ai pensé à quitter l'entreprise car je pensais que mon professionnalisme n’était pas à la hauteur, mais M. Fujiwara m'a fait reconsidérer et m’a convaincu de rester. À cette époque, j'étais trop occupé par le travail pour savoir ce qui se passait dans le monde. Je ne pouvais pas me permettre de regarder la télévision ou de lire les journaux. Et je n’étais pas le seul ! Certains de mes collègues n'étaient même pas au courant de l'effondrement de l'Union Soviétique.



Question 8 : en 1994, vous avez 28 ans et c’est le début de la mise en chantier de Resident Evil. Expliquez nous ça.

Mikami : Je me suis impliqué dans Resident Evil après m’être entretenu avec M. Fujiwara. Quelques années auparavant, Capcom avait réalisé un jeu basé sur le film d'horreur Sweet Home (1989), produit par Juzo Itami et réalisé par Kiyoshi Kurosawa. Le jeu n’a pas été un grand succès commercial, mais c'était un très bon jeu que j'ai moi-même adoré. M. Fujiwara a alors pensé : "Je veux que l’on profite du système de jeu de Sweet Home pour l’essayer sur un autre jeu". Ce à quoi je lui ai répondu : "ça m’intéresse vraiment !". Et c’est ainsi que j'ai participé au projet, en seulement deux échanges.

Question 9 : Et l’on connait la suite, Resident Evil s’est vendu à 2,75 millions d'exemplaires (chiffre au 31 mars 2021), et est devenu la pierre angulaire de la série à succès qui continue d’exister à ce jour. La licence s’est même exportée à Hollywood. N'est-ce pas un grand tournant dans votre carrière ?

Mikami : Honnêtement, je suis heureux que Resident Evil ait été largement accepté par le public à travers divers supports comme le jeu vidéo et le cinéma. C'est grâce à ces expériences réussies que je peux encore avancer de manière créative sans me décourager. Je venais de travailler dur et je voulais continuer à faire de bons jeux. Je n'avais jamais pensé devoir évoluer de la sorte dans l'entreprise. Après tout, j'ai rejoint Capcom pour créer des jeux, je ne voulais donc pas avoir à endosser le rôle de superviseur d’équipe. De plus, Capcom avait une règle à l’époque quand vous preniez du gallon : vous deviez porter un costume ! Et ça, je me suis dit : "c'est impossible" (rires).



Question 10 : Votre volonté a toujours été d’être un véritable créateur de jeux au sein de Capcom. Cependant, en 1997, vous devenez producteur sur proposition de l’entreprise. À cette époque, cela ne vous convenait pas ?

Mikami : Le producteur a en charge de monter l'ensemble d’un projet et ne peut donc se consacrer à la partie créative du jeu. À ce moment-là, je ne comprenais pas pourquoi après avoir fourni tant d'efforts de créativité, je devais assumer le rôle de producteur de jeu, cela m’indignait. Je n'aimais vraiment pas ça, parce que j'avais l'impression de stopper net ce que j’avais commencé à construire. J'ai commencé à fumer alors que je n’avais jamais touché une cigarette de ma vie (rires).

La nomination de producteurs chez Capcom est née à cette époque d'un audit réalisé par un cabinet de conseil externe. C’est comme ça que je suis devenu producteur. L'entreprise a certainement pensé que c’était un moyen de renforcer le système hiérarchique en élevant au rang de producteur des personnes talentueuses. Cependant, je suis quelqu'un qui ne peut pas vivre sans créer. À partir de ce moment, j’ai commencé à vivre des journées sombres et interminables.

Question 11 : Vous avez dit par le passé que les personnes trentenaires étaient les plus performantes.

Mikami : Je pense que oui. Les trentenaires ont déjà une certaine expérience, ils sont encore jeunes et ont le courage suffisant pour travailler avec flexibilité. Faire un jeu demande beaucoup d’énergie. J'ai été très déçu d'être un producteur à la trentaine.

Question 12 : Pourquoi êtes-vous resté dans l’industrie du jeu vidéo ?

Mikami : J'ai pensé à la quitter. Mais si je ne l'ai pas fait, c'est parce qu'il y avait des seniors que je respectais. À cette époque, c'est Yoshiki Okamoto, qui était également directeur général chez Capcom, qui m'a appelé et m'a demandé de devenir producteur. Je lui suis vraiment redevable, il est l'une des rares personnes à avoir reconnu mon talent créatif. Je n'oublierai jamais cet épisode alors que j’étais prêt à démissionner.
Quand j'ai quitté le bureau de M. Okamoto, il y avait un collègue senior dans le couloir qui m’était sympathique. Je devais avoir le visage grave. Il m’a demandé anxieusement : "Qu'est-ce qui ne va pas Mikami ?". Je lui ai répondu qu’on venait de me demander de passer producteur, mais que si je ne pouvais plus faire de jeux, alors il valait mieux que je m’en aille. Le senior m’a alors déclaré avec le plus grand sérieux : "Pourquoi n’essayez-vous pas ce job pendant un certain temps ?". Cela m’a ému qu’il se soucie autant de moi. Cela ne m'intéressait pas vraiment, mais je me suis dit que je ferai de mon mieux en tant que producteur pour la compagnie. Cependant, quand j'y pense aujourd’hui, je me demande si c'était le scénario que M. Okamoto avait envisagé, selon lequel mon aîné qui était dans le couloir à ce moment-là m’avait convaincu de rester (rires).



Question 13 : Tandis qu’en interne, la filiale Clover Studio se crée en 2004 chez Capcom, vous réalisez le célèbre chef d’œuvre Resident Evil 4. Votre carrière est à son apogée. Est-ce le retour sur la scène créative qui vous a motivé ?

Mikami : Tout à fait. Après tout, ça ne faisait que huit ans que j’attendais cela ! En parallèle de mon rôle de producteur, j'ai toujours demandé à l'entreprise de pouvoir retourner sur le terrain car c'était ce que je préférais faire, mais je n'en ai jamais eu l'occasion. Alors, j'ai pensé que je devais créer moi-même cette opportunité pour pouvoir retourner sur le terrain. C'était vraiment amusant. À cette période, chaque jour a été un plaisir de travailler, et Resident Evil 4 a été le carton que vous connaissez.

Question 14 : Resident Evil 4 a remporté le prix Famitsu et les CESA Game Awards, et de nombreux joueurs le classent comme chef-d'œuvre ultime de la saga. Quel a été le facteur de sa réussite ?

Mikami : Le titre est finalement sorti après avoir surmonté de nombreuses difficultés. Le projet était en chantier depuis quelques années, ce jeu a été retravaillé après avoir subi de nombreux échecs. J’ai rejoint le projet en tant que réalisateur un an avant la sortie de Resident Evil 4. En raison de sa phase de développement chaotique, je pense que tous les membres de l'équipe de développement étaient très anxieux à ce moment-là. Par conséquent, je suis arrivé dès le premier jour avec une vision solide du développement à mener. Un mois plus tard, nous en étions à la première version jouable où j'essayais moi-même la partie principale du jeu. 3 mois après, j'essayais une phase test pour tout le jeu. C'était un calendrier impensable, mais l'équipe de Resident Evil 4 a répondu présente. C'était une équipe vraiment talentueuse, une équipe de rêve pour ainsi dire. Ce fut une grande expérience pour moi de travailler avec ces gens.



Question 15 : Après cela, vous quittez Capcom juste avant vos 40 ans.

Mikami : Il y a deux raisons pour lesquelles j'ai quitté Capcom. La première était relative aux impôts que je payais dont j’ai toujours parlé ouvertement. À cette époque, je touchais un salaire annuel d'environ 20 millions de yens, et j'ai expliqué que les impôts étaient la raison de mon départ.

Je n'ai pas parlé de l’autre raison publiquement. À ce moment-là, je voulais garder un peu de distance avec Capcom. À cette époque, Capcom penchait très majoritairement vers des super-productions, se concentrant uniquement sur les titres numérotés de ses licences solides. De mon côté, j’espérais encore pouvoir créer d’autres jeux sur place, mais j'ai commencé à sentir la différence dans les parcours. Comment aurais-je pu continuer à contribuer aux objectifs de l'entreprise tout en m’adjugeant un peu de liberté créative ? Dans cette optique, j'ai choisi la voie de l'indépendance.

Question 16 : Mais l’année d’après de votre choix d’indépendance, tout s’est effondré.

Mikami : Après avoir choisi l’indépendance, j'ai signé un contrat avec un fabricant de jeux appelé SEEDS (fusionné avec PlatinumGames Co., Ltd. en 2007). Cependant, à cette époque, SEEDS manquait cruellement de personnel. Il n'y avait manifestement pas assez de personnes pour assurer le développement du nombre de jeux que nous prévoyions de créer. Par conséquent, j'ai proposé que tous les membres de mon équipe rejoignent l'équipe d’Hideki Kamiya, avec qui j’étais en rapport depuis l'ère Capcom. Mais lorsque cela s'est produit, mon équipe a été dissoute car il n'y avait pratiquement plus rien à faire. C'était une période difficile parce que je n'avais vraiment plus de travail, mais par rapport à mon poste de producteur chez Capcom, je ne me considérais pas au plus bas moralement de ma carrière. C'était plus difficile d’être producteur, car vous êtes dans une position où vous ne pouvez rien faire, même en étant proche de votre équipe. Je réalisais à nouveau que ce que j’aimais par-dessus tout, c’était le devant de la scène.

Question 17 : En écoutant votre histoire, je ressens un fort sentiment que Shinji Mikami aime s’adonner au domaine créatif. Cependant, vous avez fondé Tango Gameworks en 2010, et vous avez choisi d'accompagner la jeune génération en tant que manager. Pourquoi avez-vous pris cette décision ?

Mikami : J'étais un peu perdu quelques années avant cette décision. Comme je vous l'ai dit, j'ai rencontré diverses existences particulières dans mon parcours professionnel. Mais si vous voulez créer votre entreprise de développement, vous devez être enfin prêt à abandonner le côté créatif du devant de la scène. Sachant cela, j'ai mis du temps à m'en convaincre. Et finalement, j'ai choisi de lancer Tango Gameworks parce que je voulais créer un environnement où les jeunes, talentueux et passionnés, pourraient pleinement exprimer leur créativité. Je ne veux pas que les jeunes aient à connaitre les regrets que j’ai eus quand j'étais producteur.

Dans l'industrie du jeu vidéo, de nombreuses entreprises mettent l'accent sur leur propre développement et ne valorisent pas l’imagination ou l’inventivité des créateurs. Elles essayent surtout d'élever rapidement des personnes talentueuses à des postes de direction ou de gestion. Bien sûr, je pense que c'est un moyen naturel pour les entreprises de faire des bénéfices, et si les concernés le souhaitent, cela ne pose pas de problème.
Cependant, beaucoup de personnes dans l'industrie veulent, comme moi, continuer à créer les meilleurs jeux possibles, pour toujours. J’ai estimé que je devais créer un endroit pour de telles personnes.

Question 18 : En même temps, c’est une sacrée responsabilité que de s’occuper de l’avenir des jeunes. Avez-vous déjà rencontré des problèmes ?

Mikami : Je vous mentirais si je vous disais qu’il n’y en a pas. Je pense cependant que créer un jeu vidéo est intéressant car c’est un monde où il n’existe aucune garantie pour l’avenir.

Question 19 : "Un monde où il n’existe aucune garantie pour l’avenir" ? Qu’entendez-vous par là ?

Mikami : Lorsqu'un titre d'une licence à succès sort, il est le plus souvent numéroté. C'est normal parce que c'est ce que veut le public. J'ai produit pas mal de Resident Evil et je pense que c'est ennuyeux de continuer à faire des jeux similaires dont le cheminement suivent le tracé initial, même si ça permet de projeter les ventes dans une certaine mesure. Nous ferons de notre mieux pour publier des titres originaux qui n'existent pas encore dans le monde. Contrairement aux titres numérotés, les résultats de ces titres sont incertains, mais les créateurs peuvent exprimer ce qu'ils pensent être "intéressant" à produire. Je serais très heureux si cette démarche s’alliait à des résultats. Les créateurs qui ont connu de gros succès ne peuvent pas facilement s’arrêter de créer des jeux. C'est même irrésistible, ça y est, ça recommence ! (rires). C'est pourquoi Tango Gameworks est aussi un endroit fait pour moi.



Question 20 : Quand vous parlez des titres à succès sur lesquels vous avez travaillé par le passé, j'ai l'impression que vous trouvez toujours des axes d’amélioration pour vos futures productions, en vous disant , "Je pourrais faire ça comme ça maintenant" ou "Je veux essayer quelque chose comme ça". D'où vous vient cette impulsion à toujours rechercher l'évolution, quels que soient les succès du passé ?

Mikami : Je suis simplement malade (rires). Lorsque vous créez quelque chose pour la première fois, vous êtes à la fois anxieux et ravi. Quand je repense aux moments où les choses se sont mal passées, j’ai vécu un ascenseur émotionnel. Lorsque vous distribuez votre création dans le monde entier, le joueur peut se dire "Intéressant ! Ce jeu est divin" ou au contraire "Qu'est-ce que c'est que cette merde ! (kusoge)".
C’est un moment de stress irrésistible. Mais encore une fois, c’est tout l’intérêt d’un travail artistique car s’il est toujours intéressant, il ne réussit pas à tous les coups. Je suis probablement fatigué de ce que j'ai fait par le passé.

Question 21 : Les œuvres du passé appartiennent au passé. Il faut toujours regarder vers l'avenir et penser à créer de nouvelles choses, n’est-ce pas ?

Mikami : Je suis d'accord avec ça. Mon père me disait, "Tant que tu n’es pas mort, c’est que tu es toujours en vie !". Je comprends mieux aujourd’hui le sens de cette phrase. C'est tellement vrai. Même si nous essayons de créer de nouvelles choses les unes après les autres, et faisons beaucoup d'erreurs, les êtres humains n’abdiquent pas facilement.



À notre époque, il est possible d'acquérir des connaissances ou de se former en ligne pour sécuriser au maximum son projet et ainsi éviter l’échec autant que possible. C’est bien d’avoir un mode de vie qui nous conduit vers la réussite. Quand on est jeune, on pense qu'on peut faire ce que l’on veut de sa vie, sans trop y réfléchir. En vieillissant, cette vision change progressivement. Mon studio Tango Gameworks et moi-même voulons continuer ce mode de vie. Dans un pays dont le potentiel du marché du jeu vidéo est énorme, il y a des studios de développement qui créent des titres originaux intéressants, et parfois ça prend. On est alors comme sur un nuage, et toutes les personnes qui semblent s’amuser prennent vraiment du plaisir. C'est plutôt flatteur de n’avoir qu'une seule entreprise de ce type !

Traduction : Hunk
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