Hellblade: Senua's Sacrifice [Test]

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Magnum
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Loin d'être une nouveauté, étant donné que ce Hellblade: Senua's sacrifice est sorti en 2017, j'ai malgré tout décidé de lui rendre hommage à l'approche de sa suite (Senua's Saga: Hellblade 2, qui reste pour le moment une exclusivité Microsoft et devrait sortir dans le courant de cette année 2023). Il s'agit d'un des jeux m'ayant le plus marqué sur la génération précédente de consoles. Un jeu d'aventure/action très porté sur la narration et imprégné d''horreur psychologique, ayant la particularité de mettre en avant l'art de la psychose tout au long de l'aventure. Pour en faire une expérience psychologique de très haute volée qui joue sur la santé mentale du personnage, mais également avec l'esprit du joueur.
Le titre est disponible en format physique et digital sur PS4, Xbox One, Switch et PC.

Dans la peau de Senua, valeureuse guerrière en quête de réponses et venue retrouver son bien-aimé au sein d'un territoire à cheval entre la vie et la mort, vous devez vous frayer un chemin jusqu'aux tréfonds de cette terre maudite, et affronter vos plus grandes peurs en vous mesurant à des entités de l'Autre-Monde. La Mythologie Nordique est au cœur de cet univers tourmenté, froid et impitoyable. Votre but est d'atteindre Helheim pour sauver l'âme de votre amour, que la Déesse Hel vous a arraché.

Puisant ses inspirations dans la Mythologie Nordique et la culture Celtique, Hellblade: Senua's Sacrifice a été développé par Ninja Theory, responsable de Heavenly Sword et du reboot de Devil May Cry, entre autres. On change radicalement d'univers en mettant le cap sur un monde dérangeant et fascinant à la fois, où les hallucinations et les délires paranoïaques agissent de concert pour plonger le joueur dans une folie psychotique tout en philosophant sur la vie et la mort.
Catégorisé comme un 'AAA indépendant' par Ninja Theory, ce n'est qu'une fois qu'on goûte aux mécaniques particulières de cette épopée de prime abord classique, que l'on se rend compte à quel point les concepteurs sont allés loin en proposant une expérience viscérale se démarquant de la plupart des standards. Sans plus attendre, je vous livre ma critique sur ce chef-d''œuvre.

Hellblade: Senua's Sacrifice fait indéniablement partie de ces jeux ne faisant qu'un avec le joueur, tant la synergie sera grande. Il est difficile de parler du développement de l'histoire sans spoiler, mais disons qu'elle est en phase avec le principe du jeu, à savoir les hallucinations perpétuelles de l'héroïne, tant c'est superbement mis en scène. La direction artistique ajoute un cachet digne d'une fable à la hauteur des graphismes, qui sont très jolis pour un jeu sorti il y a six ans maintenant. Accentuant le sentiment profond de solitude et d'incertitude dans un monde tribal, voguant entre paysages luxuriants mais aux tons mélancoliques. Des grottes ornées de fresques et de runes mystérieuses, aux fondations ancestrales invitant à la découverte et à la contemplation pour saisir les mystères de ce monde. Vous serez amené à déchiffrer des stèles runiques et à profiter de la splendeur des différents lieux à l'ambiance éthérée, tout en récoltant des bribes d'histoire et de lore autour des dieux nordiques.

Mais si je devais tirer mon chapeau au niveau visuel, nul doute que ce serait sur le chara-design époustouflant de Senua, en particulier sur ses expressions faciales attestant d'un réalisme saisissant, et de ses yeux si captivants d'un bleu céruléen à se noyer dedans. C'est sombre, poignant, fascinant, happant, et surtout... psychologique. Senua entend constamment des voix dans sa tête, des murmures, des sifflements au cours de sa descente aux enfers. Le sentiment de sombrer petit à petit dans la folie se fera de plus en plus présent au fil de la progression. L'intrigue se dévoile peu à peu, gardant un rythme assez soutenu tout au long de l'épopée, via les événements et épreuves que doit endurer notre amazone aguerrie.

Le récit s'étoffe brillamment grâce à ce système de jeu poussant la psychose jusque dans ses derniers retranchements, mais également au travers des stèles runiques susmentionnées apportant quelques données au lore, et faisant office de collectibles. C'est plus secondaire que principal, l'histoire pouvant être comprise avec les innombrables cinématiques faites avec le moteur du jeu. J'ai trouvé ces découvertes somme toute intéressantes et instructives. Cela permet de chercher un peu tout en explorant un minimum, certaines stèles étant bien cachées. Le minimum d'exploration se retrouvera principalement ici, car le jeu se veut très linéaire et on le remarque bien assez tôt avec des murs invisibles çà et là. Si quelque part c'est justifié en raison de l'intrigue et de l'ambiance, on a, au final, le sentiment d'avancer dans des couloirs ou quelques embranchements de couloirs avec des fonds de paysages immenses mais illusoires.

Après avoir progressé un bon bout de chemin, il sera parfois impossible de revenir sur ses pas, jalonnant votre progression de quelques points de non-retour. Les énigmes, les pièges et les ruses font parfois que le retour en arrière soit tout bonnement impossible. Parlons-en des énigmes, justement. Senua peut mémoriser des runes gravées sur des portes scellées, puis utiliser ces mêmes runes avec des éléments de l'environnement, qui doivent correspondre aux formes des caractères scandinaves imprimés dans les yeux de la bretteuse. Un principe qui devient rapidement simple et intuitif, mais diablement ingénieux. On peut mettre du temps à trouver la solution en cherchant le bon placement et l'angle de vue idéal pour faire correspondre le glyphe avec l'élément du décor adéquat. Les yeux de Senua lui permettent également de rompre certaines illusions, ou de construire des ponts pour avancer.

Votre quête de longue haleine sera parsemée d'embûches. Le jeu n'est pas spécialement original dans son gameplay, quoi que... Si, il y a quelques petites idées bien trouvées tout de même, mais c'est surtout son ambiance particulière et assez proche d'une narration interactive qui le rend si atypique. À noter que la plus grande trouvaille qui met une certaine tension, c'est le fait que si l'on meurt beaucoup trop de fois, le jeu effacera la progression (automatique, soit dit en passant) de manière définitive, et on sera bon pour tout recommencer depuis le début. Le jeu vous prévient d'ailleurs et vous le fait bien comprendre dès que vous commencez, au moment-même où la malédiction prend effet depuis cet instant fatidique. Dans la pratique, on revient au dernier point de contrôle si on subit un échec ou une mort, comme si de rien n'était, mais une pourriture noire semblable à de la moisissure sur du fromage va alors infecter le corps de Senua, pour la simple et bonne raison que cette dernière aura été maudite au début du jeu. Cette pourriture noire grimpe progressivement depuis son poignet droit tout le long du bras, en passant par le cou, jusqu'à atteindre la tête. Si cela arrive, la malédiction se met à exécution... Et là, c'est un vrai Game Over, mais bien amené et en cohérence avec l'histoire et ses enjeux. On a donc un certain seuil à ne pas franchir.

Il y a trois niveaux standards de difficulté : Facile, Normale et Difficile. Ainsi que la difficulté Automatique qui n'est autre qu'une difficulté adaptative, pouvant s'adapter suivant les situations au cours du périple et selon votre manière de jouer. À titre personnel, j'ai joué en Auto du début à la fin, sans modifier la difficulté ajustable dans les options. Et malgré certains pics de difficulté augmentant sensiblement par moment, lorsqu'on a affaire à des vagues d'ennemis en particulier, surtout vers la fin du jeu, j'ai trouvé le tout plutôt bien calibré tout en donnant d'éventuelles sueurs froides. Tout est parfaitement maîtrisé pour rendre cette odyssée palpitante. On a toujours envie d'avancer pour en savoir plus sur le destin de Senua à mesure qu'on franchit des obstacles et qu'on subit des hallucinations, pour avoir le fin mot de l'histoire. Et la fin surprend encore plus. Aucune situation n'est prévisible. Tout n'est que découverte de bout en bout.

Les musiques ne sont pas nombreuses, et pour cause, les développeurs ont tout misé sur les effets sonores, qui font le sel de l'atmosphère. Un très bon point qui pousse subtilement le joueur à s'impliquer davantage dans l'aventure. Il y a bien des musiques d'ambiance, qui corroborent à merveille ce sentiment d'angoisse, de se retrouver piégé dans la tourmente de l'esprit de Senua vacillant dans les ténèbres. Ses ténèbres à elle. Bien sûr, la bande sonore devient plus intense et présente à l'heure de croiser le fer avec des guerriers farouches à l'apparence monstrueuse, libérant des notes celtiques, concordant avec des chants guerriers scandinaves mettant le joueur tout le temps en garde, et parfois aux sonorités plus modernes oscillant vers une sorte de techno qui s'accorde plus que ça en à l'air. Le jeu ne possèdant pas de tutoriel, tout est intuitif ici. Nul besoin de didacticiel. On apprend sur le tas et sur le terrain, à la dure et efficacement, car tout s'opère avec fluidité et confort tant les commandes répondent parfaitement. Autant dans la résolution des puzzles, que pour les commandes de combat (sachant que Senua se bat à l'épée et n'utilise guère de bouclier) plutôt conventionnelles (attaque légère, attaque lourde, coup de pied déstabilisant, esquive, parade, contre, et charge légère ou lourde en se ruant vers l'ennemi).

Bref, on trouve vite nos repères. Du classique en somme pour les combats, qui en deviennent un peu redondants, malgré le côté technique des rixes allant parfois jusqu'à durer trois plombes. On peut avoir d'ailleurs plusieurs types d'ennemis nous encerclant petit à petit, au nombre de quatre ou cinq. Et là, autant dire que ça se complique sensiblement, surtout si l'affrontement s'éternise. À noter que certaines rares attaques peuvent être mortelles et que le moindre coup subi quand Senua est à genoux lui sera fatal. Dans le cas où votre personnage est sur les rotules, il faut marteler la touche X pour se relever prestement, même si un indice visuel et coloré le signale sans révéler la touche. Vous devrez être constamment sur le qui-vive car vos assaillants ne vous feront pas de cadeaux, n'hésitant pas à vous attaquer par derrière ou à vous prendre à revers. C'est simple comme déroulement, et sans être spectaculaire ou complexe comme le serait un DmC ou un Bayonetta , c'est chorégraphique de voir les personnages se mouvoir avec la grâce d'un cygne, en particulier Senua que l'on peut voir toujours hardie et déterminée. Il n'y a aucune pitié dans les combats et on ressent très vite la sauvagerie qu'ils dégagent. Un gameplay violent mais artistique, cependant auréolé de poésie, et surtout captivant de par le réalisme de la chorégraphie. Tel est le constat des affrontements, qui remplit le cahier des charges puisque ça colle très bien au récit.

Une subtilité qui intervient en combat pour aider notre guerrière : il s'agit d'un pouvoir psychique appelé Concentration. Grâce à cette habileté, Senua peut engranger de l'énergie lumineuse dessinant des runes (jusqu'à trois) dans un miroir qu'elle porte sur son ceinturon, ce qui lui permet de ralentir le temps (jusqu'à trois fois en fonction des runes allumées sur le miroir), et de prendre facilement l'ascendant sur ses adversaires. Ces derniers donnent alors l'impression de patauger dans la boue, alors que Senua bouge avec grâce comme si le temps suivait son cours normal. Très utile dans le cas où vos assaillants sont nombreux et cherchent à vous cerner, ou encore pour toucher efficacement les ombres que peuvent devenir vos adversaires. Comment remplir cette énergie ? Eh bien soit en bloquant les attaques ennemies au bon moment (la plupart, mais toutes les attaques ne sont pas possibles à parer) en vue de déséquilibrer l'ennemi, soit en esquivant les coups. Ceci ajoute un brin de surnaturel et s'incruste très bien dans la thématique de la psychose, encore une fois. Notons par ailleurs que les voix qui parlent intérieurement à Senua la préviendront si un ennemi s'apprête à l'attaquer par derrière. Un petit détail, mais c'est toujours un détail appréciable camouflant un QTE.

Au final, j'ai trouvé la durée de vie correcte bien qu'un poil courte. Il est un peu dommage que le jeu n'offre pas de grande rejouabilité (hormis pour les collectibles des stèles). C'est linéaire à souhait et on avance précautionneusement. Pour ce qui est des sensations transmises par l'expérience, rien de ce que j'ai ressenti dans Hellblade ne m'a rappelé aucun autre jeu. Surtout au niveau des mécaniques et du principe de la psychose, de la malédiction et du désir de l'héroïne de faire des sacrifices pour une cause purement personnelle, prête à tout laisser derrière elle par amour et dévotion, y compris son foyer, son bonheur, sa vie. Tout cela m'a profondément touché. En outre, le jeu dispose de voix anglaises bien travaillées, surtout pour Senua où le travail de la doubleuse lui confère une sacrée détermination et une bravoure sans faille, ainsi que des sous-titres en français bien écrits et sans pratiquement aucune faute d'orthographe. Un petit mot sur l'actrice Melina Juegens qui a prêté ses traits à Senua, lui donnant vie de la plus belle façon qui soit, à l'aide d'expressions bluffantes de réalisme, tant et si bien qu'on ne peut que s'attacher à son personnage.

En conclusion, chapeau bas pour Ninja Theory ! Je conseille vivement ce jeu à tous ceux qui souhaiteraient découvrir une expérience sortant des sentiers battus, surtout au niveau de la narration et de l'ambiance très psychologique, pour peu évidemment que vous ne soyez pas sensible aux phénomènes ou aux troubles que peut causer la psychose. Une histoire simple dans son déroulement de base, mais extrêmement profonde et puissante dans son propos. La psychose étant assurément la force motrice du titre, faisant parfois perdre à l'héroïne tout contact avec la réalité. Autant dire que j'ai été conquis. Hellblade: Senua's Sacrifice fait partie de ces jeux qui vous racontent une histoire tout en vous surprenant grâce à des visions fantastiques d'images subliminales. On vit l'aventure de Senua de manière viscérale, depuis le début où elle quitte sa barque après avoir suivi une rivière et avoir jeté des regards furtifs aux crédits inscrits dans les décors, et qu'elle ait avancé tout au long jusqu'au dénouement qui conclut cette sombre fable pas comme les autres.


C'est donc un excellent 9/10 que je lui décerne, tant ce jeu aura eu un impact sur ma vie de joueur.
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