Biohazard 2 : L'horreur évolutive
Comment la peur générée par les créateurs du jeu a-t-elle été reçue par les joueurs ?
Resident Evil 2 est sorti le 29 janvier. C'est encore tout frais dans nos têtes mais la bonne nouvelle c'est que le stock initial des exemplaires prévus pour le lancement (supérieur à 1 million) s'est rapidement écoulé, tout comme les répliques de pistolets airsoft qui ont immédiatement trouvé preneurs. Pourquoi ce jeu, si attendu, est-il aussi bien reçu ? Resident Evil a largement été plébiscité par le public car il a été le premier titre à démocratiser la "peur" dans un jeu vidéo. Il y a bien sûr eu d'autres jeux basés sur le concept de la peur, mais Resident Evil a en plus enregistré des ventes exceptionnelles !
Jusqu'à présent, seuls les romans et les films étaient capables de communiquer la peur, mais Resident Evil a non seulement fourni sa propre façon de la restituer, mais il a également créé une autre façon d'avoir peur. Resident Evil 2 contient plus d'horreur que son précédesseur, avec un scénario passionnant comprenant beaucoup d'action et d'embranchements. C'est ce qui explique qu'il soit devenu un hit ! Mais alors ? Quelle est la définition de la peur telle que nous la ressentons dans les jeux vidéo ? Pourquoi sommes-nous si fascinés par l'horreur proposée par la série Resident Evil ? Quel genre de peur les développeurs ont-ils créée ? Et pourquoi apprécions-nous cette peur ? Découvrons ensemble ce qu'il y a à l'intérieur de Resident Evil, et voyons la logique de développement derrière ce monde d'horreur qu'il représente.
"L'essence de la peur"
Entretien avec Hideki Kamiya
CAPCOM : Division du développement, Département Production 2, Groupe de planification
Directeur de Resident Evil 2, Hideki Kamiya a travaillé sur la conception du jeu et de son scénario. Il a également participé à la planification du jeu précédent (Resident Evil).
La "peur" que nous voulions transmettre dans Resident Evil 2
Resident Evil 2 est un grand succès comme prévu, félicitations !
Merci beaucoup. J'espère que les ventes continueront pendant longtemps !
Aujourd'hui, j'aimerais que vous nous parliez du thème de la "peur évolutive".
Ça ne va pas être simple ! (rires)
Parlez-nous de la peur que vous avez voulu exprimer dans Resident Evil 2.
Hé bien, tout d'abord il y a la "peur du plus grand nombre", autrement dit la peur d'être encerclé qui n'existe pas dans le premier opus. Il y a beaucoup de zombies dans le jeu. Chacun d'entre eux est faible, mais c'est toujours effrayant de voir une meute se diriger vers vous en gémissant et en meuglant "Grrrooaaaa !". Je voulais déjà faire ça dans Resident Evil, mais c'était alors techniquement impossible. C'est pourquoi nous avions rendu les pièces plus petites et les couloirs plus étroits, afin que les joueurs ne pensent pas qu'il pouvait y avoir moins de zombies. Dans Resident Evil 2, nous avons techniquement résolu ce problème afin de pouvoir utiliser la "peur du plus grand nombre".
Le nombre de zombies a augmenté, c'est certain ! Vous ouvrez une porte, et d'un coup, vous vous retrouvez avec cinq zombies dans la pièce !
C'est vrai. Cependant, ils déambulent lentement, c'est un équilibre que nous avons veillé à respecter pour vous laisser une chance de vous échapper. La distance de placement entre les ennemis est parfaitement calculée. En fait, le producteur Mikami m'a montré le film Zombie (Dawn of the Dead). Il m'a demandé de bien le regarder et de l'étudier, et cela m'a amené à la conclusion que les zombies rassemblés en plus grand nombre étaient plus effrayants.
Il y a tellement de zombies dans ce film...
De plus, ce film est effrayant car il alterne un contraste saisissant entre des moments de calme et de tension. Le monde autour de vous est envahi de zombies et il n'y a nulle part où fuir, aucun moyen de vous échapper. Les personnages n'ont pas d'autre choix que de chercher un endroit où ils pourront se sentir en sécurité. Et puis, alors que vous vous offrez un peu de décontraction à faire du squash ou que vous partagez un dîner en tête-à-tête, les zombies vous ramènent à la réalité. Ce contraste entre ce calme relatif et cette montée soudaine d'adrénaline est très effrayant. C'est un revirement de situation qui angoisse toujours terriblement.
Dans Resident Evil, il y avait cet espoir que vous pourriez échapper à l'enfer du manoir pour retourner à la vie normale dans le monde extérieur. Mais dans Resident Evil 2, c'est le chaos, il ne semble pas y avoir d'échappatoire, il n'y a que cette peur à devoir détaler en permanence.
Resident Evil se situe en espace clos, le manoir est entouré d'une forêt. Pour nous démarquer de Resident Evil, l'histoire de Resident Evil 2 se déroule dans une ville envahie de zombies. J'ai pensé qu'avec une ville entière infestée de zombies, cela donnerait au joueur un sentiment de désespoir car il ne suffirait pas simplement de réussir à s'échapper de l'endroit où vous vous trouvez. Je crois que les zombies effraient terriblement les humains car ils ont encore une apparence humaine, mais ils vous attaquent. La peur d'être confronté à un humain qui n'en est plus un est terrifiante.
Dans Resident Evil 2, on a toujours l'impression d'être poursuivi.
Nous avions élaboré un plan pour la créature "G" dès le début de la production. Elle a été créée pour insuffler la "peur d'être poursuivi". Il est intéressant de découvrir comment elle change d'apparence tout au long du jeu. De plus, même si vous la battez à plusieurs reprises, l'expérience de l'avoir toujours à vos trousses est très intéressante.
Quel est votre thème principal cette fois-ci ? Dans Resident Evil, le thème était plutôt la fuite, non ?
C'est une situation sous-jacente à laquelle vous ne pouvez échapper. Vous essayez de trouver un moyen de vous en sortir. Si nous créons un endroit complètement sûr, il n'est pas possible de créer un sentiment de peur. C'est pourquoi le désespoir règne en ville. En situation de désespoir, il est possible de transmettre différents sentiments de peur, de tension, de stress ainsi que le retour à quelques situations plus calmes.
Les cinématiques du jeu sont donc passées d'un tournage avec des acteurs à des modélisations graphiques sur ordinateur (CG) ?
Nous avons fait un sondage auprès de l'équipe de production, le résultat du vote était équilibré : 50% en faveur des scènes d'action réelle, et 50% en faveur de la CG. La moitié du personnel aime visiblement les téléfilms ringards (rires).
Y a-t-il des éléments système de Resident Evil que vous avez incorporés dans Resident Evil 2 ?
Fondamentalement, Resident Evil 2 est un prolongement du premier épisode. Pour la partie système, c'était plutôt simple : au départ, nous avons conçu Resident Evil pour les gros joueurs (hardcore gamers), cependant le jeu s'est très bien vendu auprès de nombreux autres joueurs, y compris les plus occasionnels (casual gamers). Nous avons aussi remarqué que beaucoup de joueurs appartenaient à la gent féminine. Donc, pour Resident Evil 2, nous avons logiquement décidé de ne pas oublier les joueurs occasionnels.
Il y avait aussi beaucoup de joueuses ? Il y avait des femmes qui n'aimaient pas ça parce que c'était effrayant ! (rires)
En effet (rires), de nombreux joueurs occasionnels qui ont joué à Resident Evil ont déclaré qu'ils n'avaient pas réussi à le terminer. Ils nous ont également dit qu'ils avaient réussi le challenge avec Jill, mais pas avec Chris. Pour cette raison, j'ai voulu m'assurer que les gens qui ne sont pas très bons dans les jeux vidéo puissent pleinement profiter de Resident Evil 2. À cette fin, ajuster le niveau de difficulté a été un réel défi jusqu'au bout.
Je ne voulais pas effrayer les joueurs en rendant le jeu trop difficile. Je voulais aussi que les joueurs occasionnels puissent y jouer. C'est pourquoi j'ai essayé de réduire le nombre de situations dramatiques dans lesquelles le joueur mourait instantanément s'il échouait. Mais si je rendais le jeu trop simple, les joueurs aguerris m'auraient conspué (rires). Et du point de vue de Capcom, les fans hardcore sont également à prendre en considération. L'équipe m'a confié qu'il serait préférable de rendre le jeu plus convivial pour les gros joueurs. Ça a été un point très difficile à tenir.
Pour en revenir à la question de la peur, il y a la peur des zombies, l'angoisse d'être dans un espace clos, et la peur qui provient de la difficulté du jeu. Toutes ces peurs sont indépendantes les unes des autres. Je ne voulais pas que la difficulté soit la cause de la peur dans le jeu, avec des zombies difficiles à vaincre par exemple. Si on reprend le Hunter de Resident Evil, il peut vous décapiter avec ses griffes. Cette peur n'est pas une peur psychologique, c'est la peur d'un manque d'assurance car si vous commettez une erreur, la partie sera terminée. Je voulais éviter ce genre d'approche.
Vous est-il arrivé de vivre des expériences effrayantes ?
J'ai bien une histoire, mais elle ne peut pas être publiée dans un magazine (rires). Hé bien, une fois, ma maison a été cambriolée. J'ai donc parfois peur de rentrer chez moi et d'ouvrir la porte. Je ne peux pas m'empêcher de me demander si je vais rencontrer un intrus dans la maison. Et je me pose ce genre de questions : qui a choisi de cambrioler ma maison ? Comment le cambrioleur savait que je n'étais pas là ? Pourquoi a-t-il fracturé la serrure pour entrer ? Je suis encore un peu nerveux quand j'ouvre la porte de la maison.
C'est comme une porte dans Resident Evil !
Il y a un peu de ça (rires) ! J'étais nerveux, j'inspectais toutes les portes de la maison. J'ouvrais la porte de ma chambre, de la salle de bains, des toilettes et de toutes les autres pièces de la maison. J'ai eu aussi une autre expérience effrayante plus jeune. Lorsque j'étais petit garçon, je dormais dans le même lit que ma mère quand soudain, quelqu'un m'a tiré la cheville. J'ai demandé à ma mère si c'est elle qui m'avait tiré la cheville, et elle m'a répondu qu'elle ne savait pas. Cela m'a fait peur... En y repensant aujourd'hui, je pense qu'elle m'a fait une blague, mais après cela j'ai commencé à dormir les jambes recroquevillées (rires) parce que je pensais vraiment que quelqu'un me tirerait du lit si j'allongeais mes jambes.
Vous étiez donc un enfant étonnamment sensible à la peur !
Je suis toujours timide vous savez (rires) ! Une fois, en mettant une chaussette, j'ai été piqué par une abeille. Je me souviens d'avoir pleuré très fort. Depuis, je regarde l'intérieur de mes chaussettes avant de les enfiler ! C'est ce genre d'expériences que nous avons vécues, lorsque nous étions en âge d'être impressionnables, qui restent gravées dans nos mémoires.
Je suppose que ces expériences se reflètent dans le jeu !
Il existe deux modes de difficulté : facile et normal.
Choisissez le mode facile lorsque vous jouez pour la première fois. Vous profiterez ainsi de la narration, des puzzles, des zombies effrayants, de vos frayeurs, de tout, quoi !
Chaque fois que vous battez une certaine créature, elle mute et vous attaquera à nouveau. La peur d'être chassé ne cesse de grandir. Cela nous amène aussi à découvrir l'histoire à travers chaque lieu proposé. Il est précisé par Kamiya que tous les membres du S.T.A.R.S. sont en expédition en Europe au moment de Resident Evil 2. La relation de Leon avec Ada est décrite comme un "devoir de protection envers la population en tant que policier".
Secrets de personnages
Pour Resident Evil, j'ai donné un nom aux personnages. J'ai fait des heures supplémentaires avec le character designer pour donner ces noms aux personnages. J'ai choisi le prénom Jill parce que je ne voulais pas d'un prénom trop féminin. Pour moi, les prénoms qui commencent par "J" me semblent enfantins. Et je lui ai aussi donné un nom de famille bizarre : "Valentine".
Chris, c'est un dur à cuire, mais j'ai pensé qu'il méritait un prénom gentil. Alors pour compenser, je lui ai donné un nom de famille plus sauvage : "Redfield". Ces noms ont été très appréciés.
Que se passe-t-il lorsque vous ouvrez cette porte ?
Vous savez, si vous ouvrez soudainement la porte de la chambre de quelqu'un, tout peut arriver !
À un moment donné, un zombie rampe sur le sol dans un passage étroit et s'approche de vous. Vous n'avez nulle part où courir, et l'espace étroit vous fait peur. Une morsure à la jambe ne fait pas beaucoup de dégâts physiques, mais cela joue sur votre psychisme.
Système de partner zapping
Kamiya a délaré avoir pensé au système de partner zapping juste après avoir fini de créer le premier épisode.
Dans Resident Evil, Chris et Jill avaient des scénarios séparés. Mais cette fois, je voulais impliquer les deux personnages dans la même chronologie. Cependant, le "zapping system" n'a été pensé que pour la partie scénario.
Quelques exemples : Leon déplace le fourgon pour que Claire puisse passer par la suite ; Claire fait sauter la porte déformée pour que Leon puisse s'introduire par ce passage ensuite.
C'est aussi réaliste si l'objet que vous avez pris dans le scénario A ne se retrouve pas dans le scénario B, mais attention à ne pas trop en faire avec ce système.
J'ai une autre anecdote, celle-ci concerne le producteur Mikami. Il avait mis son pass de transports en commun dans sa poche avec son trousseau de clefs. La partie magnétique de la carte avait été altérée au contact des clefs, devenant inopérante sur les portiques d'accès automatiques. Depuis, il a déclaré être un peu nerveux à l'approche des portiques d'accès en station et qu'il lui a fallu des années pour surmonter cette appréhension.
Une expérience traumatisante ne disparait jamais.
Je déteste les choses qui n'ont pas de membres, comme les chenilles. C'est pourquoi dans Resident Evil, c'est moi qui avais suggéré d'ajouter des asticots sur le cadavre. Lorsque j'étais enfant, j'ai attrapé une mouche dans ma main et lorsque je l'ai ouverte pour la montrer à mon ami, la mouche s'est envolée et j'ai vu un tas d'asticots dans la paume de ma main. J'ai crié ! La mouche s'est-elle sentie en danger de mort de sorte qu'elle a été guidée par un instinct désespéré de reproduction ? Ou était-ce une réaction instinctive de survie pour se dégager ? Cette expérience est restée ancrée dans ma mémoire et je l'ai donc utilisée pour le design des créatures dans Resident Evil 2. Lorque vous faites face aux insectes, le sentiment de dégoût vous envahit si vous laissez la bestiole vous échapper.
Il existe de nombreux types de zombies dans Resident Evil 2, n'est-ce pas ?
Oui. Le jeu se déroule en zone urbaine, il est donc naturel d'avoir une variété de civils, il y a même des femmes zombies. J'ai laissé une liberté sur le design des zombies féminins et les textures qui les composent. Elles ont l'air plutôt sexy, n'est-ce pas (rires) ? Mikami et moi avons réagi en disant : "C'est bien !" (rires). J'ai même entendu quelqu'un dans l'espace de production dire "Hé ! Ses fesses dépassent ! ". J'ai répondu : "C'est bien !" (rires)
On constate aussi davantage de types d'attaques pour les ennemis.
Le plus grand changement réside dans les zombies qui se jettent maintenant sur vous. Cette idée vient du processus de production. Dans Resident Evil, les zombies avaient de longs bras, et étaient comme aimantés vers le joueur pour l'agripper, mais une fois la mécanique comprise, le jeu devenait trop facile. Nous avons donc amélioré cela dans Resident Evil 2, et on s'est dit, pourquoi pas les projeter vers le personnage ? Ce serait effrayant. En particulier, j'aime la façon dont un zombie qui n'a plus de tête fait encore quelques pas, puis s'effondre. Dans Resident Evil, quand la tête d'un zombie était explosée, il tombait immédiatement au sol à genoux. Cependant, un jour, un bug est survenu et le zombie a continué à marcher sans sa tête. Nous avons trouvé ça effrayant, et nous l'avons donc réutilisé dans Resident Evil 2 (rires) !
L'apparence du Licker est vraiment unique.
C'est vrai. Je pense avoir été très créatif avec cette scène où apparaît le Licker. Il y a aussi beaucoup de zombies dans le commissariat. Mais comparés à ceux de Resident Evil, les zombies ne sont pas aussi effrayants. Nous avions donc besoin d'une créature qui deviendrait la chose la plus effrayante du commissariat. Et pour cela, nous nous sommes posé ces questions : "qu'est-ce qui peut être plus effrayant que les zombies ?", "comment pouvons-nous rendre cette chose plus effrayante ?". Après de nombreuses erreurs et de nombreux essais, le Licker est né. Ce monstre est comparable à l'existence du Hunter dans Resident Evil.
Quelle est votre créature préférée ?
La forme finale de la créature "G". Je ne peux rien vous dévoiler ici, mais ce monstre est mon préféré en termes de design et de gameplay. Observez-le attentivement, vous m'en direz des nouvelles.
À propos du scénario
C'est une histoire bien écrite. J'aime la version du scénario de Leon. Mikami a déclaré que regarder les cinématiques du jeu était perturbant (rires). Soyez sûr que lorsque vous les regarderez, elles vous immergeront pour un maximum de fun !
Matérialisation des dégâts
Lorsque votre santé est en état de danger, vos déplacements s'en ressentent. C'est ce que je préfère dans le jeu ! C'est une matérialisation dramatique de la situation dans laquelle vous vous trouvez, et cela vous indique que la situation est très délicate à ce moment-là. Mais vous récupérerez vite si vous trouvez des herbes (rires).
La peur est différente lorsqu'on joue à un jeu vidéo, en comparaison avec ce qu'on ressent lorsqu'on regarde un film au cinéma ou à la télévision. Pouvez-vous nous parler de la peur dans votre jeu ?
Hé bien... En fait, la différence qui existe entre la peur dans un jeu par rapport à un film, c'est que vous pouvez décompresser si le joueur décide d'immobiliser son personnage, car l'action ne se poursuit pas, contrairement à la pellicule.
La créature G est placée différemment dans les scénarios de Claire et de Leon.
C'est une bonne façon d'entretenir la peur. Vous pensez connaître le cours des événements parce que vous avez terminé le jeu une première fois, mais vous faites fausse route. Seul le jeu vidéo peut vous procurer une telle sensation de peur.
Le placement des animaux empaillés est assez effrayant !
En fait, il n'était pas du tout nécessaire de mettre un tigre empaillé. J'essayais juste de le placer à cet endroit et je l'aurais enlevé si quelqu'un m'avait dit que c'était inadéquat. Mais alors que je cherchais un angle pour bloquer la vue de la caméra, je me suis retrouvé avec cette position et cette impression étrange que le tigre me regardait. Je me suis dit que le joueur marquerait un temps d'hésitation avant de traverser un tel endroit. J'espère que c'est ce qu'il a ressenti.
Vous avez supervisé les angles de vue fixes de caméras, n'est-ce pas ?
J'ai non seulement supervisé les angles de vue, mais j'ai aussi réalisé une grande partie de ce travail. Tout d'abord, en rendant le jeu simple à jouer dans les déplacements. Ensuite, je me suis concentré sur le côté artistique des scènes cadrées. Je voulais que les plans fixes soient jolis, comme sur le tableau d'un peintre. Mais le plus intéressant dans ce travail, c'était que le rendu à l'écran devait faire peur. Il y a une efficacité à rendre les virages invisibles grâce aux angles morts. L'enchaînement des plans choisis lors des changements de plans est également important. Tout est basé sur le contrôle du personnage, donc si vous ne pouvez pas ressentir l'espace dans lequel vous évoluez, vous ne vous déplacerez pas correctement et cela devient alors difficile d'apprécier le jeu.
Vous êtes-vous imposé des restrictions dans le jeu ?
Non. Vous pouvez faire exploser la tête des zombies car cela fait partie du folklore propre au genre. Il était aussi nécessaire de créer de la peur. Toutefois, nous avons évité la matérialisation de saignements permanents ou de cruauté comme dans les films les plus trash. C'est un choix difficile. J'ai été très attentif aux effusions de sang.
C'est donc similaire à Resident Evil dans le sens où vous avez remplacé le manoir par un commissariat entouré de mystères.
L'une des plus grosses erreurs que nous ayons commises avec Resident Evil 1.5 a été de vouloir trop coller à la réalité. Le commissariat du 1.5 était un bâtiment moderne, et la mécanique de jeu consistait à déverrouiller des serrures électroniques à l'aide de codes standard. C'était simple, tout ce qu'il y a de plus classique, mais pas très amusant. Si je voulais implémenter une collecte de joyaux à insérer quelque part, une architecture moderne ne convenait pas. J'ai donc reconstruit un bâtiment qui s'est éloigné de la réalité. Après tout, c'est exaltant d'insérer une pierre précieuse quelque part dans un jeu, n'est-ce pas ?
Avez-vous pu exprimer tout ce que vous vouliez faire ?
Oui, je n'ai aucun regret. En tant que développeurs, nous sommes tellement paralysés par l'enjeu que nous ne savons pas quelles parties seront effrayantes. Les joueurs auront-ils peur de ce dont nous voulions qu'ils aient peur ? Ou auront-ils peur d'autre chose ? Nous nous interrogeons toujours là-dessus. J'aimerais avoir vos opinions. J'espère que nous recevrons beaucoup de retours !
Votre mot pour la fin ?
La meilleure partie de Resident Evil 2 réside dans ses scénarios ! Nous avons créé quatre scénarios pour ce jeu et je veux que vous y jouiez tous autant que possible. J'ai également confiance dans le zapping system que nous avons instauré. J'ai travaillé très dur pour m'assurer que chacun des scénarios fonctionnerait bien. Vous apprécierez d'y jouer.
Le maniaque des armes
Parmi les nombreuses réactions des joueurs sur Resident Evil, les développeurs ne s'attendaient pas à tant de retours sur les armes. C'est vrai que tirer sur des zombies dans un jeu vidéo, c'est génial, exceptionnellement fabuleux, même ! Aussi avons-nous demandé à l'équipe de développement toute son attention pour qu'elle nous livre des détails sur le pistolet.
Je l'ai conçu pour qu'il soit accepté aussi bien par un passionné d'armes à feu que par les fans d'horreur
Yoshiaki Tejima (à gauche), Division du développement chez Capcom, Groupe 2 (concepteur graphique, effets de design) :
Ça a été une surprise pour nous que les armes à feu aient déclenché cette déferlante de réactions.
Jun Takeuchi (à droite), Division du Développement chez Capcom, Production 2 (concepteur en chef, superviseur de mouvements):
Je suis moi-même un amateur d'armes à feu. Alors... Avant même que je ne le sache, j'ai été désigné comme responsable de l'armurerie !
Dans Resident Evil 2, les armes sont plus réalistes. Vous êtes-vous entraînés dans un stand de tir ?
Je suis allé dans un stand de tir pour tester de vraies armes à feu et restituer cette expérience dans Resident Evil 2. Dans Resident Evil, nous nous sommes appuyés sur ce qu'on peut surtout voir dans les films.
Ça va même jusqu'au détail de la cartouche vide qui rebondit sur les murs.
C'est vrai. Dans les films, on voit souvent la douille tomber au sol après un tir au pistolet. Je voulais matérialiser cette action. J'ai demandé au programmeur beaucoup de travail sur cette représentation de l'extraction des douilles dans Resident Evil. C'est tout un calcul intégré dans un programme qui matérialise la façon dont les cartouches vides vont retomber au sol. Je pense que nous ne sommes pas loin de la perfection dans Resident Evil 2, qu'en pensez-vous ?
Dans Resident Evil, les armes étaient principalement des armes à feu. Mais dans Resident Evil 2, on y trouve une arbalète avec ses flèches, et un fusil électrique. Pourquoi avez-vous choisi d'introduire ces armes ?
Puisque nous avons amélioré la qualité graphique de Resident Evil 2, j'en ai profité pour mieux peaufiner le design des armes. J'ai porté mon choix sur des armes qui existent vraiment et elles ont fière allure dans le jeu. Mais pour que ça ne reste pas ennuyeux, j'ai ajouté un peu de piment en ajoutant ces nouvelles armes. L'arbalète peut même tirer trois flèches à la fois !
Quelle a été la partie la plus difficile dans le processus de développement ?
Je suis concepteur graphiste, donc je me devais d'être créatif sur leur apparence. Je me suis assuré que peu importe où s'arrête l'animation du personnage, la position de l'arme devait rester crédible. Certaines d'entre elles sont carrément cool !
La position du pistolet était très importante, j'ai accordé beaucoup d'importance à cela. Graphiquement, l'arme utilisée est représentée dans la façon dont elle est tenue. J'ai travaillé très dur pour que ce soit aussi proche que possible de la réalité.
J'espérais que le katana serait utilisé comme nouvelle arme dans Resident Evil 2.
(rires) J'ai pensé à l'utilisation d'une telle arme, mais dans le cas d'un katana ou d'une épée, il faut se rapprocher du zombie pour le vaincre. N'est-ce pas un peu étrange ? Pourriez-vous vous rapprocher d'un zombie si vous en avez peur ? Je ne le pense pas.
(Note de Biohazard France : En 2003, pour l'univers zombie instauré dans le comic book "The Walking Dead", la vision artistique de l'usage d'un katana pour affronter les zombies ne semblait plus absurde, puisque le personnage Michonne finira par utiliser une lame pour trancher les têtes des zombies.)
Quelle est votre arme préférée ?
Mon arme préférée est l'arme de poing, le VP70, que Leon utilise. C'est le même pistolet que les Marines utilisent dans le film Aliens. J'adore ce film ! Et... Ouaiiis ! J'ai décidé de l'intégrer, le rêve est devenu réalité.
Pourquoi pouvons-nous customiser nos armes dans Resident Evil 2 ?
L'idée était de se divertir avec les armes (en les manipulant). J'ai entendu dire que de nombreux fans de Resident Evil sont des passionnés d'armes à feu, alors j'ai pensé que la customisation serait aussi plaisante pour eux. Mais c'est un jeu d'horreur, donc je ne devrais pas trop insister là-dessus (rires). Je pense que les fans d'horreur les apprécieront aussi, naturellement (rires) ! Cela fait un bon équilibre.
Modèle Desert Eagle .50AE / Resident Evil 2
Fabricant de répliques d'airsoft TOKYO MARUI
Ce modèle est sorti le 29 janvier 1998 pour 22.800 Yen. Il est actuellement difficile à obtenir.
Takeuchi : "J'ai décidé de le commercialiser car il y a beaucoup de fans de Resident Evil passionnés d'armes à feu. Mais en fait, cela fait un moment que j'en voulais un moi aussi."
La façon dont le personnage tient le fusil est différente de celle de Resident Evil. Avec ce rendu, il paraît plus lourd. Afficher le nombre réel de cartouches de la mitraillette aurait été fastidieux, nous avons donc choisi un affichage en pourcentage.