Shinji Mikami invité chez Gaming House Squad
Chaine TV : BS - SKY PERFECTV
Date de diffusion : 5 et 19 juillet 2021
Nom de l’émission : e-elements GAMING HOUSE SQUAD
Titre du sujet : Volume 17 & 18 "Summer Horror Game Special"
Ndt : La traduction qui suit est un large extrait d’une interview de Shinji Mikami dans une conversation très détendue. Pour une meilleure compréhension, certains mots ont été ajoutés et certaines expressions ont été modifiées. Merci à Mikan pour la mise en conformité de la traduction.
Mes invités aujourd'hui sont l'humoriste Eiko Kano, le Youtuber Torinotsumedan, et le créateur de Biohazard (Resident Evil) : Shinji Mikami.
Cette image est une photo représentant mon espace de travail au bureau.
Qu’est-il écrit sur le mur ?
C'est la devise de l'entreprise telle que je l’ai imaginée. Lorsque vous êtes affecté à un emploi, vous devez :
Premièrement : Penser aux intentions.
Deuxièmement : Demander ce que vous ne comprenez pas.
Troisièmement : Ecrire les choses pour ne pas les oublier.
Ici, c'est la salle gaming au bureau. C'est l’espace où chacun joue réellement.
Donc, chacun est libre de jouer au jeu qui lui plait ?
Si vous apportez votre jeu préféré, vous ne pouvez y jouer qu'une seule fois. Si quelqu'un y joue plus d'une fois, il sera convoqué et il passera un entretien en ma compagnie. Mais je ne me mettrai pas en colère contre lui, parce que nous sommes une entreprise qui produit des jeux, et si vous réprimandez les employés pour si peu, l'ambiance au bureau pourrait se dégrader rapidement. De ce fait, il nous serait difficile de produire des jeux amusants.
Les invités jouent ensuite en équipe à Dead by Daylight.
Mikami-san, vous êtes d'accord pour jouer à des jeux maintenant ? (rires)
Non (rires). Je suis actuellement en train de travailler sur un nouveau jeu. Mais ça va me faire un break et me permettre de me détendre un peu.
La partie se termine. Puis on passe à la présentation des jeux que Mikami a créés jusqu'à présent.
Il y a des dizaines de milliers de personnes qui peuvent vivre grâce à toi, pas vrai ? Par exemple, Milla Jovovich, n'est-elle pas l’une d’entre elles ? (rires)
Je ne l'ai jamais rencontrée, mais les membres de mon équipe allaient la voir parce qu'ils l'aimaient bien (rires).
Mikami et le projet Biohazard
Pour être honnête, je ne pensais pas que Biohazard se vendrait aussi bien. Dans mon premier projet, j'allais en faire une histoire qui jouait sur le psychisme, sans action. Mais cela ne semblait pas être suffisant, et j'ai commencé à penser qu’un jeu orienté uniquement sur le psychisme ne se vendrait peut-être pas très bien. À partir de ce moment-là, je me suis demandé si je ne pouvais pas intégrer une scène exaltante comme à la fin du film Jaws(Les Dents de la Mer), dans lequel un requin saisit une bombonne d'oxygène en pleine gueule et où l’acteur lui tire dessus avec un pistolet, comme dans un jeu. Et justement, dans un jeu vidéo, on peut vivre cette expérience exaltante tout en contrôlant le personnage principal. Il ne s'agit pas seulement de fuir l’ennemi, mais de lui tenir tête.
C'est pourquoi on utilise un lance-roquettes à la fin de chaque jeu Biohazard, n'est-ce pas ?
Je pense que l'idée du lance-roquettes m’est venue du film Grizzly (ndt : un film de William Girdler de 1976). Je pense que la dernière scène de Grizzly montrait l’utilisation de quelque chose comme un lance-roquettes (ndt : https://youtu.be/Y5SSV2eoD9M?t=5080).
Toute ma famille adore Biohazard, et j'y joue depuis que je suis enfant. L'une de mes scènes préférées, et la plus inoubliable de la série pour moi, est celle où Leon défend Ada (ndt : il est montré une scène où Leon protège Ada dans Resident Evil 6).
C'est trop cool !
Dans cette scène, Leon serre Ada dans ses bras pour la protéger, vous voyez ! N'est-ce pas attendrissant ?
Le personnage d'Ada a été créé à l'origine par un gars appelé Hideki Kamiya, qui travaille maintenant chez Platinum Games. Il a créé le personnage d’Ada dans Biohazard 2. Je n'ai pas ce genre de délicatesse, il m’est donc impossible de créer des scènes comme celle-ci (rires). Je n’arriverai pas à créer ce genre d'animation détaillée, comme tenir sa tête dans mes mains et la protéger (rires).
J'aime tellement Ada que j'ai changé ma coiffure pour des cheveux courts aujourd’hui alors que je les avais longs !
Je suis sûr que Kamiya serait ravi d'entendre ça ! (rires)
Une vidéo promotionnelle de Resident Evil Village est ensuite diffusée.
Mikami découvre Biohazard VILLAGE
Je vais vous montrer à présent la partie que je vous recommande dans Biohazard Village, la scène où le bébé vous poursuit.
Une vidéo en cours de partie de la maison Beneviento est montrée.
(qui découvre Biohazard Village pour la première fois) Oh ! J'aime cette texture poussiéreuse et ce qui se dégage de cet endroit. Je suis impatient d’en voir plus. Oh des poupées ! J'aime la façon dont la pièce est contrastée entre clair-obscur, l’alternance de tension et de relaxation est très efficace.
Que pensez-vous de la direction prise par Biohazard Village ?
Puisque tu dis que c'est un bébé... Je suis surpris de voir à quel point le bébé est GROS ! (rires)
Mikami parle de Biohazard 4
Alors, Mikami-san, pouvez-vous s’il vous plait, partager avec nous votre moment préféré dans un Biohazard ?
Eh bien je pense que c'est le combat contre la créature du lac (Del Lago) dans Biohazard 4. C'est en fait une créature qui n'a pas été utilisée dans Biohazard. Au début, j'avais prévu de recouvrir cette créature de textures pour en faire une sorte de crotale. Je n’ai pas pu l’intégrer dans le premier épisode, alors je l'ai intégrée dans Biohazard 4, soit environ 10 ans plus tard.
Dans Biohazard 4, les ennemis ne sont plus des zombies, n’est-ce pas ?
L'une des raisons de leur absence était que nous commencions à manquer d’idées matérielles avec les zombies. De plus, si vous comparez les zombies aux êtres humains, les humains sont finalement beaucoup plus effrayants de par leur cupidité, leur jalousie, leur folie, etc... Alors j'ai décidé de franchir le pas et de m'éloigner des zombies et d'Umbrella. Je me suis retrouvé à diriger le jeu et j'ai réalisé un changement de direction artistique audacieux (pour aller vers des humains infectés). Et si jamais les fans avaient jugé qu'ils n’aimaient pas le jeu à cause de l’absence des zombies, il était clair pour moi que cela aurait été facile de les faire revenir dans Biohazard 5. Si je m’étais planté avec Bio 4, nous les aurions ramenés dans Bio 5 et les fans auraient pu alors dire : "Tu sais quoi Capcom : bonne décision", et cela nous aurait simplifié le travail pour la suite.
À cette époque, j'avais déjà pris ma décision de quitter Capcom, et je ne voulais pas rendre les choses plus difficiles pour mon staff junior. Alors pour qu’ils sachent quelle direction prendre ensuite, j'ai relevé ce défi (d’orientation artistique) avec Bio 4.
Mais pourtant beaucoup de fans de Biohazard pensent que Bio 4 est le meilleur de tous !
Je pense que la raison pour laquelle il est si apprécié et a été si bien noté, c'est probablement parce que le jeu est plus immersif, passant des anciens angles de caméras fixes et décors pré-calculés à de la 3D avec vue à la troisième personne (TPS). De plus, j’ai eu la chance de travailler avec le personnel le plus qualifié que je n’ai jamais eu sur un jeu vidéo. J'ai supervisé la meilleure équipe qui soit. Je l’appelais ma "dream team". Lorsque vous travaillez avec une équipe si talentueuse, vous ne pouvez faire qu’un jeu fabuleux, peu importe qui en a la responsabilité. J’en suis donc encore honoré aujourd’hui. Je ne pense pas qu'il soit aisé de pouvoir compter sur une telle équipe de développement.
Mikami et Fujiwara : Le tandem à l’origine de Biohazard
En fait, l’histoire de Biohazard n’a-t-elle pas commencé lorsque Mikami-san a reçu l'ordre de faire un jeu d'horreur ?
Cet ordre venait de M. Fujiwara, mon patron de l’époque.
Une vidéo de présentation de Tokuro Fujiwara est alors diffusée.
Je me souviens d’avoir montré à M. Fujiwara la mise en page d'un jeu à scrolling (défilement) horizontal dont le titre était Aladdin, et il m'a demandé de réfléchir à la raison pour laquelle il y avait trois vies dans le jeu. Je n'avais pas vraiment prêté attention à l’importance du nombre de vies jusque-là, mais en y réfléchissant bien, cela avait du sens. La tension entre avoir 1, 3 ou 5 vies est différente. C'est comme ça que l’on m'a appris à travailler (ndt : Shinji Mikami a utilisé ici, tout au long de cette conversation, un langage courtois montrant tout le respect qu’il porte à Tokuro Fujiwara).
Ne vous sentiez-vous pas bête quand il vous apprenait votre métier à l'époque ?
Jamais de la vie ! Je n’ai jamais ressenti cela. Mais c’est sûr, il était très strict. Il n'a jamais élevé la voix sur moi, ne m’a jamais touché, mais il savait se faire comprendre. Je suis resté chez Capcom pendant une vingtaine d’années et je peux vous dire que Fujiwara-san est la personne la plus effrayante que j'ai jamais rencontrée.
Quand vous créez un jeu, par quoi commencez-vous ?
Avec M. Fujiwara, je devais juste expliquer quelques points et il comprenait tout de suite où je voulais en venir. J’avais juste à lui dire ce que je voulais faire, et il saisissait tout de mes intentions. Cependant, lorsque je venais d’arriver, j'ai beaucoup écrit parce que je n’arrivais pas à résumer oralement ce que je voulais faire. Une fois, je lui ai apporté une proposition sur 30 pages, il a lu une ou deux pages et les a jetées derrière son bureau. "Réécrivez moi ça pour demain matin !", m’a-t-il dit ! (rires)
Mais il était déjà 17 heures. Je suis donc resté éveillé toute la nuit au bureau à réécrire ma proposition que je le lui ai remis le lendemain.
Cette fois-ci, il a lu trois ou quatre pages, mais il a jeté à nouveau ma proposition hors de son bureau (rires) ! Il m'a passé un savon en me disant : "Qu’avez-vous donc fait toute la nuit ?". C'est comme ça que j'ai été formé.
À quand remonte votre dernière rencontre ?
Cela remonte à environ 10 ans.
Maintenant, si vous le voulez bien, veuillez adresser un message à M. Fujiwara face caméra.
M. Fujiwara, comment allez-vous ? C’est Mikami, ça fait un bail ! J'ai eu la chance de jouer à votre nouveau jeu Ghosts 'n Goblins Resurrection. Respect ! Le jeu était très, très difficile. Merci beaucoup !
Vous semblez extrêmement nerveux juste pour dire bonjour ! (rires)
Hahaha... (rire nerveux) Je ne peux pas dire que je ne le suis pas, c'est impossible !
À ce moment, la photo de Fujiwara sur le moniteur de Mikami est remplacée par l’image de Fujiwara en personne qui apparait en direct ! Mikami n’en croit pas ses yeux.
Quoi ? Mais qu’est-ce que...!!!!
C’est du direct ! Je n’ai pas demandé la permission de Mikami, mais Fujiwara-san est avec nous depuis le début et suit l’émission à distance avec nous.
Sérieux ? Qui est responsable de ça ? (Mikami est mort de rire et se penche en arrière)
J'ai écouté chaque mot que tu as prononcé. Comme j'ai entendu dire que tu allais dire du mal de moi, alors j’ai accepté l’invitation (avec un grand sourire).
C'est la première fois que l’on me piège de la sorte ! (rires)
Racontez-nous, qui était Mikami-san à l'époque ?
Capcom avait l'habitude de ne recruter que des designers comme nouvelles recrues, mais à l'époque de Mikami, ils ont commencé à embaucher des personnes spécialisées dans la planification. Cependant, Capcom était une petite entreprise, il ne suffisait donc pas de se contenter de planifier. J'ai appris à Mikami, qui ne savait pas dessiner, comment dessiner et il s’est alors mis au pixel art. J'ai enseigné les mêmes choses à plusieurs nouvelles recrues qui ont rejoint Capcom en même temps que Mikami. Mais Mikami a appris plus que les autres. Je l'ai entraîné à créer une variété de jeux pour des hardwares différents. Il n’a pas arrêté de progresser, mais juste au moment où je pensais qu'il était en pleine confiance, il m’a annoncé qu'il voulait quitter Capcom. Je me suis dit : "Mais qu’est-ce qu’il raconte celui-là ?". Alors j’ai eu une explication franche et virile avec lui et je l'ai convaincu de rester. Mais au bout d'un moment ce qui devait arriver arriva, il m’a encore prononcé son intention de partir !
Oui, ce sont les deux fois où je me suis entretenu directement avec M. Fujiwara. La première fois, c'était avant que Sony ne fabrique la PlayStation, Sony collaborait toujours avec Nintendo (ndt : Sony avait prévu de développer une unité de CD-ROM pour la Super Nintendo), et j'ai été invité à travailler avec un programmeur qui s’était rendu à Tokyo. M. Fujiwara m'a fait la morale pendant sept heures environ...
À l'époque, j'avais un projet de jeu d’horreur original sur lequel je travaillais. Je pensais porter le jeu Sweet Home de la Nintendo NES sur la PlayStation, dont la sortie approchait à grands pas. J'allais demander à Mikami de s’en occuper, mais il m’a informé de son souhait de quitter l'entreprise... Alors, je lui ai gentiment demandé : "Connaissez-vous un jeu appelé Sweet Home ?". Il m’a répondu que oui, et même qu'il adorait le jeu. J'ai donc pris ça comme un (bon) signe, et je lui ai ordonné de faire un jeu d'horreur basé sur celui-ci, qui est devenu plus tard Biohazard. S'il avait démissionné avant que je ne lui donne cet ordre, Biohazard / Resident Evil n'existerait pas aujourd'hui. C'est un souvenir profondément émouvant.
Environ trois mois après avoir rejoint l'entreprise, j'ai fait un Quiz Game avec Fujiwara-san, et cette étape a été éprouvante pour moi. J’étais certain de ne pas pouvoir continuer à travailler à ce rythme. Je pensais que j'allais mourir si je continuais à ce rythme-là, et j’ai alors pensé à quitter l'entreprise après que nous ayons nous terminé ce Quiz Game. Puis il m'a appelé et m'a demandé si je voulais prendre des congés maintenant que le jeu était terminé. J'ai répondu que oui. Il m'a ordonné de revenir lundi avec une nouvelle proposition et en échange il me donnerait trois jours de congés : vendredi, samedi et dimanche...
Ce ne sont pas du tout des vacances ça ! (rires)
Je n’ai donc pas pu lui dire que je voulais quitter l'entreprise, alors j'ai commencé à travailler sur le prochain jeu. À ce moment-là, j'ai rapidement écrit la planification du nouveau jeu et pris un break bien mérité !
C’est tellement égoïste ! Je souhaite que tout le monde puisse comprendre mes difficultés ! Si vous êtes trop gentil avec ce gars-là, il s'égare et ne travaille pas. Ce n'est pas étonnant que je sois si dur avec lui (sourire).
Vous avez raison, merci beaucoup. (rires)
Je suis tellement content que vous l'ayez gardé à vos côtés ! Vraiment ! (rires)
Je crois en être là où j’en suis aujourd'hui grâce à la formation que j’ai reçue de votre part. Je vous en suis reconnaissant. J'espère que vous continuerez à être actif à l'avenir.
Merci, je ferai de mon mieux !
Si vous deviez à nouveau créer un jeu ensemble, quel genre de jeu aimeriez-vous faire ?
Je ne pourrais plus travailler avec Mr.Fujiwara (rires).
Comment ? Et pourquoi pas ?
Par le passé, M. Fujiwara me demandait de penser au jeu H24 après l'avoir planifié. Mais je ne pourrais plus faire ça. Il est important de savoir quand allumer l’interrupteur et de savoir aussi quand il faut l’éteindre. Quand j'ai besoin de repos, je veux pouvoir me reposer.
Mais aujourd’hui, contrairement à l'époque, M. Fujiwara pourrait vous laisser faire une pause.
Eh bien, maintenant qu’il est plus âgé, peut-être...
Hé Mikami, ça suffit maintenant. Tu me fais passer pour un tyran à chaque mot que tu prononces. (sourire)
M. Fujiwara, vous l'avez élevé à la dure !
Oui, contrairement à aujourd’hui, j'étais très strict avec ces nouvelles recrues.
N’êtes vous jamais allés tous les deux sortir prendre un verre dans un bar après que Biohazard soit devenu un hit mondial ?
Eh bien en fait Mikami n'aime pas ça, donc on n'y est pas allés (il sourit et se frotte les mains).
Ce genre de relation n’est pas facile !
Biohazard aura été un vrai défi à relever. C’est vraiment difficile de démarrer un jeu original à partir de zéro. Au début, nous avons travaillé sur un jeu en vue à la première personne (FPS) pour PlayStation, mais les spécifications de la console n’ont pas permis de le réaliser, et nous avons eu beaucoup de difficultés avant de pouvoir le terminer. J’avais dit à Mikami à l'époque de faire un jeu qui pourrait se vendre à 200 000 exemplaires, un jeu que 200 000 joueurs adoreraient. Biohazard s’est finalement vendu à un million d’exemplaires. J'ai alors compris que mon acharnement avait payé.
Alors une dernière question pour vous, M. Mikami !
Oui, je vous écoute.
M. Mikami, vous êtes bien sûr reconnaissant envers M. Fujiwara à présent, n'est-ce pas ?
Hmmm....Oui (dans une explosion de rire)
Hé, Mikami, je viens de voir ton hésitation !
M. Fujiwara, merci beaucoup d'être venu. Mikami-san, veuillez à présent s’il vous plait présenter votre nouveau jeu.
Mi-ka-mi, ne t'emballe pas (rires), je regarde l’émission jusqu'à la fin. (rires)
D'accord, monsieur !